Brillante dans le firmament céleste, la lune ronde inonde de son spectre lumineux les vestiges de mon noir cauchemar. Des sueurs froides enjouées persistent à martyriser mon corps languissant, et aux vertiges se mêle un mal-être toujours aussi perceptible.
De l'âtre ne subsiste désormais plus qu'un feu consumé dont les vagues braises rougeoyantes ne peuvent empêcher le froid d'emplir l'atmosphère pesante; un froid pernicieux que ne cesse de vivifier l'humidité des averses sporadiques. Les cendres tapissant les dalles de marbre noir reflètent la voracité des flammes mortes et accentuent l'angoisse de la terreur nocturne qui vient de me subjuguer.
Je revois son visage lacéré, tranché par des lames invisibles et ses plaies béantes d'où jaillit un sang rouge, un rouge si écarlate que sa longue robe blanche assoiffée s'en macule avidement. Je revois les lambeaux de sang dévorés par le feu, un feu emportant ardemment ses yeux bleus enivrants qui me fixent avec tristesse et désarroi pour un ultime adieu.
Des mains d'ombre m’ont agrippé la gorge et, alors, l'odeur du sang, le goût du sang, la vision du sang, alors, tout n'a été que sang, et même au dehors la pluie diluvienne assourdissante a semblé virer pourpre. J'ai su que se débattre ne servirait à rien, j'ai su que, elle morte, mon existence n'a définitivement plus aucun sens. Puis, à la faveur d'une éclaircie, la lueur lunaire m'a révélé un visage éclat doré.
D'un sursaut pétrifié je me suis réveillé.
La violence des mes périples oniriques s'accentue chaque nuit. Les visions qui sommeillent au plus profond de mon inconscience scarifient désormais sans trêve mon âme, torturant avec malice ma conscience impuissante. Mon état psychique se dégrade inexorablement sous l'assaut de ces incursions effroyables, leur ampleur en devient telle que je redoute de sombrer dans les abysses d'une démence irréversible.
Si j'écris ces présents mots c'est dans l'espoir de ne pas oublier. Ne pas oublier que ces rêves ne sont que le fruit de mon imagination empoisonnée, investie par une ombre odieuse et malsaine. Une ombre qui emplie mon esprit de ses horreurs, m'attirant sans cesse dans les profondeurs insondables qui échappent à tout entendement humain. La possibilité de pouvoir lui échapper n'est qu'une illusion sournoise qui converge sans doute vers la même finalité irréelle. Cependant, pourquoi essayer de s'en soustraire ? Mes réponses ne se trouvent-elles pas dans ce chaos obscur des infinis que cette ombre incarne et projette dans notre inconscient ? D'un chaos où ces visages terrifiés et torturés ont émergé il y a des siècles pour éveiller la conscience humaine et investir la surface de la Terre.
Aveuglée par sa naïveté puis manipulée par des mensonges cupides, l'espèce humaine a vénéré ces visages qui ne sont que l'incarnation de cette ombre qui sommeille en elle, sans toutefois comprendre la réelle signification d'une telle adoration. Ces mille visages ont divisé par les rituels l'humanité, engendrant une ignominie qui hante encore ma mémoire huit ans après son éradication.
Huit-ans après avoir entraperçu en rêve une chose effroyable, terrifiante, insupportable pour un humain sain d'esprit. Une chose horrible dont je ne parviens pas à me remémorer distinctement mais qui a laissé une souillure éternelle en mon âme et qui m'a convaincu d'anéantir ces cultes antiques.
Les mystères de l'inconscient humain représentent la porte de la connaissance, la porte qui me mènera vers la douloureuse vérité, la porte qui m'aidera à annihiler l'ombre vicieuse qui sommeille en chacun de nous. Toutefois, mes doutes persistent. En m'enfonçant dans ces contrées ténébreuses qui ne répondent à aucune loi de la nature telle que nous la concevons, parviendrai-je à dissocier l'imaginaire du réel ? Cette présente lettre n'est-elle même le fruit d'une imagination délirante ?
Pourtant, je persiste à croire qu'avec ce dernier cauchemar j'approche du but, la complexité de cette impression à laquelle j'ai été confrontée me laisse pré-sentir un dénouement proche. La réalité de notre existence se trouve mêlée à notre inconscience.
Si, pour une raison inexplicable, vous avez lu ces lignes, alors oubliez-les car elles n'ont aucun sens, et restituez-moi cette lettre au plus vite, si j'ai écrit ces mots c'est dans l'espoir de ne pas oublier.
Et s'il est déjà trop tard, le sang sur mes mains s’asséchera alors.