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The Kingdom
of the Corrupted Souls

Vaelyr

18e jour du 9e mois, 19e année, 3e Ère.

La chaleur insoutenable, tel un feu invisible, se propage inéluctablement jusqu'aux méandres de la Forteresse Royale.


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L'atmosphère parait incendiée par une chaleur insoutenable qui, tel un feu invisible, se propage inéluctablement jusqu'aux méandres même de la Forteresse Royale. Gigantesques, les somptueuses dalles de marbre noir qui la façonnent semblent chanceler sous la voracité enflammée et même respirer est devenu pénible et douloureux.

Depuis ce soudain réveil terrestre ces lieux suffocants demeurent déserts; les uns ayant suivi leur fou jusqu'à la Montagne de Feu, les autres s'étant terrés en suppliant secrètement que ce crépuscule soit son dernier. Probablement persuadé d'entrer en osmose avec des forces divines, le dément doit, en ce moment-même, méditer les reflets de sa folie tout en percevant, à n'en pas douter, les corps torturés par son jugement aussi sanglant qu'absurde. Une folie qu'il ne cesse de pousser à son paroxysme et qui perdurera si personne ne s'oppose à lui.

Et pourtant, personne n'osera plus s'opposer à lui.

Le peuple, persuadé de l'existence d'un pouvoir mystérieux qu'il détiendrait, ne cesse d'imaginer toutes sortes de mythes aussi terrifiants qu'aberrants. Les fidèles qui l'entourent boivent quant à eux ses paroles “divines” autant par ambition que par fanatisme, si bien qu'aucun ne remettra en doute le moindre fragment de leur âme souillée par la corruption. La terreur qu'il a instaurée les maintient sous son autorité, nul n'ose défier leur “précieux Roi” alors qu'ils ont tous oublié ce qu'est réellement la prospérité.

Qui reste-t-il alors pour se dresser devant cette démence ignoble ?

Nous.

Nous et cet enfant à qui je viens de rendre visite. Enfermé dans les dédales investis par l'obscurité, il attendait paisiblement le jugement royal. Replié sur lui-même, affamé et coupé de toute source lumineuse depuis ce qui devait lui sembler être une éternité, il paraissait à première vue aussi fébrile qu'un nourrisson.

Lorsque je lui proposai de profiter de cette opportunité inespérée pour lui rendre sa liberté, il sembla d'abord douter de ma sincérité, redoutant un piège insidieux orchestré par le roi. De toute évidence il savait qui je suis, sa circonspection était donc amplement justifiée. Une fois mes réelles intentions révélées, je réitérai ma proposition salvatrice. Sa réponse fut aussi surprenante qu'éloquente.

“La souffrance est inhérente à la vie, quoi que l'on fasse elle s'agrippe à notre âme pour y répandre lentement son poison ; s'abandonner à la mort est la meilleure échappatoire pour mettre un terme à l'horreur humaine”.

Bien des hommes avaient déjà prétendu ne pas redouter la mort, pourtant aucun n'y était revenu pour confirmer leur présomption. Et encore moins n'avaient-ils donné l'impression de s'accommoder de l'incinération vivante.

Je lui rétorquai que la vie ne valait plus la peine d'être vécue à cause des hommes comme lui. Des hommes ayant renoncé à tout espoir, refusant de combattre par peur inconsidérée. Des hommes laissant le Royaume en pire état qu'ils ne l'avaient trouvé. Des hommes ignorant tout de la réelle nature de la mort, atroce, répugnante et insensée…

Il observa un silence angoissé puis accepta, convaincu qu'aussi infime que pourrait être son utilité, il aurait un rôle à jouer dans la chute du fou.

J'ouvris alors les grilles rouillées de sa cellule ténébreuse. À peine fut-il sorti que j’agrippai sa gorge pour la lui trancher avec ma dague. Des gerbes de sang se perdirent dans l'obscurité, abreuvant le marbre toujours assoiffé par la chaleur enragée. Sur mon signal, le commandant de la garde royale émergea de l'ombre et m'aida à hisser le cadavre dans la tour délabrée de la Forteresse. Une fois celui-ci déposé sur les autres, il me pressa de retourner aux côtés de notre Roi, sans quoi notre absence allait éveiller des soupçons.

“Notre Roi”.

La brutalité du coup acéré que je venais de lui porter dans la nuque me fit un instant penser qu'il n'eut pas le temps de souffrir et de vivre la situation. Mais je lus ensuite dans ses yeux qui me fixaient ardemment une incrédulité unifiée à l'incompréhension. “Tout cela est pour le bien du Royaume” furent les derniers mots qu'il entendit; je doute néanmoins qu'ils eurent la même répercussion dans son esprit à ce moment-là.

Son cadavre s'est ajouté aux autres que la mort a happés tout aussi brutalement. Ces âmes gangrenées par la corruption qui n'ont de leur vivant pas osé s'opposer à la folie. Ces cadavres qui seront utiles pour annihiler cette folie.

Et pourtant, personne n'osera plus s'opposer à lui. Et pourtant sa chute n'en est pas moins imminente.

Elle sera grandiose, à la hauteur de sa Royale Démence.

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